
« Tout mineur placé sous main de justice bénéficie d’un droit à l’oubli lui garantissant le respect de son anonymat dans toutes les images prises au sein de la structure judiciaire »
Les visages, noms, prénoms et éléments nominatifs liés à l’histoire personnelle de nos personnages sont anonymisés pour rendre impossible leur identification.
Mais plutôt que de flouter leurs visages (ce qui aurait cantonné les jeunes à une représentation de l’inmontrable qui aurait desservi notre propos), nous avons imaginé avant le tournage un procédé cinématographique qui a convaincu l’institution judiciaire de nous ouvrir ses portes : L’ANONY-MATION.
Nous avons filmé librement les corps et les visages en pleine action, pour ne retravailler l’image qu’après le montage, en redessinant les visages afin de ne pas dévoiler l’identité de nos protagonistes. La contrainte est devenue force évocatrice, elle nous permet de transfigurer les émotions, et d’incarner les récits de vie.

“L’intention qui nous a toujours guidés a été de ne pas les cantonner à un rôle de coupable, de jeunes ancrés dans la violence et la délinquance, mais de laisser s’exprimer leur fragilité, leurs rêves et leurs angoisses.”



Une forme poétique au service de la narration
L’animation ne crée aucune distance avec les personnages, parce qu’elle restitue leur humanité. Elle leur confère même une dimension universelle inscrite dans le réalisme de l’image documentaire. Une fois la présence de l’animation installée, elle intervient à d’autres endroits de l’image, par petites touches discrètes, jamais de façon systématique.
À des moments clés, l’animation envahit l’image entière. L’image documentaire disparaît complètement au profit d’une narration elliptique et suggestive ; comme des flashs symboliques, qui cherchent à faire éprouver au spectateur les douleurs vécues par ces jeunes.
Il s’agit de ne pas recouvrir mais plutôt de découvrir. A l’intérieur de ce masque est projeté au travers de nouvelles expressions, de nouveaux visages. Comme pour briser leurs carapaces et ouvrir une fenêtre sur leurs âmes afin de donner une dimension poétique et de nouveaux éléments de compréhension aux spectateurs. Les éléments de dessin ne sont pas choisis au hasard, mais sont en réaction directe avec le personnage. L’animation réagit en fonction de la voix ou de l’action, sans forcement illustrer ce qu’il se dit mais plutôt appuyer, parfois contredire ou interpréter le sentiment général de la scène.
Margot Reumont


Extrait animé
Biographie de Margot Reumont
Après une enfance dans le sud de la France, c’est à Bruxelles que Margot Reumont a commencé sa carrière de réalisatrice d’animation avec son premier film Si j’étais un homme. Ce court métrage réalisé pendant ses études à La Cambre a été sélectionné et plusieurs fois primés dans des festivals internationaux. Depuis, Margot a travaillé dans différents studios d’animation en France et Belgique et notamment au sein du collectif TABASS co. qu’elle a cofondé avec d’autres réalisateur.ices. En 2022, elle termine son court-métrage Câline, un film introspectif sur l’enfance et les câlins. Le film a reçu le grand prix du meilleur court-métrage au festival Anima de Bruxelles, et a été nommé pour le meilleur film de court-métrage d’animation aux Césars et aux Magritte 2023.

Filmographie
2022 – Câline
2021 – L’oreille Musicale
2020 – Bébé
2015 – Grouillons Nous
2013 – 10 secondes pour convaincre
2012 – Si j’étais un homme